Séances individuelles d'hypnose

Comment se déroule une séance d'hypnose ?

La première séance d’hypnose permet de tisser l’anamnèse et d’explorer les pistes de travail que nous allons suivre ensuite.

Chaque séance est unique. En fonction de votre voeux, nous établissons le protocole de la pratique.

L’hypnose peut être formelle ou informelle.

Elle explore nos ressources.

Dessin hypnose

Pour qui est faite l'hypnose ?

Si certaines personnes sont plus réceptives que d’autres, un bon hypnopraticien parvient à emmener son patient en transe.

La transe est un état naturel que nous vivons régulièrement. Le praticien intensifie ce phénomène par son discours. Nous appelons cela une induction.

La suggestion et la métaphore sont 2 autres outils que nous utilisons pour soutenir un processus de guérison et améliorer la vie de notre patient.

Le rêve et la vie sont mélés. L’un ne peut se passer de l’autre. En hypnose, nous pouvons développer cette capacité au rêve, à l’intuition, aux ressentis. Les sensations sont une boussole dans notre voyage. Perdre ses rêves peut rendre malade. L’inconscient est une ressource.

Renseignements pratiques

Les séances durent une heure, parfois un peu plus.

Le tarif est de 60 euros.

Toute annulation de séance non effectuée 48 heures avant la séance est dues.

Je suis assujéti au secret professionnel. Ce qui est dit dans le cabinet y reste.

Les consultations peuvent s’effectuées au cabinet, en visio-conférence, ou à domicile. 

L'hypnose est un jeu d'enfant

 

Emmanuel Crouail

Aide soignant et sophrologue

Hypnose après cancer.

Quelques séances d’un accompagnement avec l’hypnose d’une patiente en rémission d’un cancer du sein.

Mémoire de validation en procédure courte en vue de l’obtention du diplôme Universitaire Hypnothérapie – Université de Bourgogne Franche Comté

Direction : Professeur Antoine Bioy

Mention très bien.
 

Table des matières :

Introduction

I) Présentation de mon parcours et pourquoi j’en suis venu à l’hypnose.

Base théorique 

II) Pourquoi choisir l’approche phénoménologique dans un accompagnement d’une personne atteinte d’un cancer ?

III) La relation thérapeutique pour soutenir une guérison : la nostrité

Présentation d’Évadné, présentation de mon accompagnement

A chaque séance son objectif

Résultat clinique

L’hypnose permet l’autonomie de ma patiente dans son suivi clinique.

Conclusion

Développer nos supers pouvoirs.

Bibliographie

Introduction 

a) Présentation de mon parcours et pourquoi j’en suis venu à l’hypnose.

J’ai été journaliste en presse écrite et photographe. J’ai voulu reprendre des études médicales pour soigner. Je n’ai pas eu mon concours de médecine. Je suis devenu aide-soignant.

J’ai choisi de faire, dans un premier temps, de la sophrologie parce que j’ai rencontré des personnes âgées dans une maison de retraite avec des dégénérescences cognitives. J’étais aide-soignant. Je me suis intéressé aux méthodes anti-stress. Je me suis formé à la sophrologie tout en travaillant en tant qu’aide soignant. L’hypnose est venue contre mon gré. 

Au cours d’une séance avec un patient (Monsieur X) ayant de grandes difficultés d’adaptation à la vie : tabagisme, pas de travail, dépression chronique, incurie etc. Je lui ai fait rencontrer son animal totem dans un lieu où il avait vécu des traumatismes. Trois animaux totems sont apparus et l’ont aidé à sortir de ce lieu. J’ai ensuite évoqué un pont que cette personne traversait laissant derrière elle l’ancien Monsieur X. En revenant dans un état de veille, je lui ai demandé s’il avait traversé le pont et, là, cette personne a bougé la tête en arrière, à gauche pour vérifier qu’il avait bien traversé le pont. J’ai alors su que son suivi était fini. Nous travaillions ensemble depuis plus d’un an et demi. Il s’est mis au théâtre, fume toujours, et surtout, semble heureux dans sa vie.

La sophrologie n’aime pas l’imaginaire ni la confusion. Alfonso Caycédo, son créateur, a failli, après avoir fait les quatre premières relaxations dynamiques appelé sa méthode «hypnose» mais il choisit «sophrologie», soit : « école de la conscience en harmonie ». Lorsque sa méthode est devenue populaire et que ses élèves ont commencé à se l’approprier en y ajoutant d’autres influences, notamment la psychologie et l’hypnose, il a créé la sophrologie caycedienne avec des écoles revenant à l’origine, soit : avec 12 RDC (Relaxation Dynamique Caycedienne). Pour les caycediens, les autres sophrologues n’existent pas, ce sont des charlatans. Je m’écartais de plus en plus de la Sophrologie caycedienne. J’ai donc choisi de me former à l’hypnose et de le faire dans une école en lien avec le savoir.

Il y a un peu plus d’un an et demi, j’ai été contacté, suite à une recommandation, par une personne ayant un cancer du sein et devant subir une opération chirurgicale. Je venais de faire une année de formation avec l’école IPNOSIA à Nantes en hypnose. Aide-soignant, sophrologue et hypno-praticien, je lui ai proposé un suivi avec l’hypnose dans mon cabinet. 

J’ai choisi l’hypnose car cette personne n’avait pas besoin d’une préparation à l’opération comme nous savons le faire en sophrologie mais d’un recadrage. Il y avait aussi une nécessité temporaire puisque l’opération avait lieu dix jours après la séance. C’était donc trop court pour proposer les trois séances habituelles de sophrologie de préparation à une opération. Cette première séance a été le début d’un suivi et aussi d’une méthode qui s’est invitée à nous.

Pour structurer ma pratique, j’ai fait appel à deux approches, la phénoménologie, que je connais grâce à la sophrologie, et la seconde « centrée solution » qui est au coeur de la pratique du docteur Thierry Servillat, formateur et directeur d’IPNOSIA Nantes. Thierry Servillat est aussi mon superviseur. Sans lui, je ne rédigerais pas ce texte en vue d’une obtention d’un Diplôme Universitaire. Cet écrit est aussi pour moi l’occasion de réfléchir à ma pratique et de donner du sens dans le cadre de mes suivis auprès de patients. Chaque séance a été comme une création éloignant tout jugement et a priori. Nous avons créé notre manière de trouver une, voire des solutions, face à cette maladie et ses conséquences. Cet accompagnement, je le pense, est terminé. Pendant une année et demi, nous avons grandi ensemble face à l’adversité de la vie, qui, parfois rend malade certains et d’autres moins. Nous avons fait oeuvre de transcendance, et cette transcendance nous a permis de soutenir notre condition humaine : la maladie, les deuils, les soucis du quotidien, et nos peurs. Nous avons ouvert la porte à la joie, à la liberté et à la créativité malgré les difficultés.

Je tiens à signaler qu’une personne très chère à mon coeur est décédée d’un cancer. Je l’ai accompagné jusqu’à son dernier souffle. Le plus difficile pour moi a été de garder confiance dans les capacités de cette patiente et aussi dans ma capacité d’accueillir les difficultés qui apparaîtraient. « Ma » patiente a toujours été très courageuse. 

Base théorique

I ) Pourquoi choisir l’approche phénoménologique dans un accompagnement d’une personne atteinte d’un cancer ?

Face à une personne souffrant un cancer, nous pouvons nous sentir impuissant. Nous avons en tête le diagnostic et nous devons le mettre de côté, entre parenthèses. La phénoménologie a été révélée par Edmund Husserl (1859 – 1938). Elle s’est structurée grâce à des philosophes comme Martin Heidegger (1889-1976), Maurice Merleau-Ponty (1908-1961), Gaston Bachelard (1884-1962), Albert Camus (1913-1960), Jean-Paul Sartre (1905-1980), et nous pourrions y ajouter Michel Foucault (1926-1984). 

Le stoïcisme pourrait en être une racine. Prenons, par exemple, Epictète, ce qui signifie en grec ancien « homme achevé », serviteur, est né en 50 et mort en 130. Stoïcien, il enseigne dans son Manuel, écrit par son élève Flavius Arrien, « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais leur jugement sur les choses »1. Philosophe, il mit en action sa pensée. Natif de l’actuelle Capadoce, il semble avoir été esclave puis homme libre à l’âge de 30 ans, enseignant la philosophie à Rome. Puis bannit par le pouvoir romain, il fuit Rome. Il termine ses jours à Nicopolis, ville proche du Danube en Bulgarie. Il ajoute dans son Manuel, « Ainsi la mort n’est rien de redoutable (..) mais le jugement que nous portons sur la mort en la déclarant redoutable, c’est là ce qui est redoutable. » 1*

Dans Entretiens, il nous invite à « vouloir que les choses arrivent non comme il te plait mais comme elles arrivent ».  Il y a là, une formulation, de prime abord, simple, évidente, lumineuse, pourtant rien n’est plus difficile que l’acceptation et l’accueil de ce que nous pouvons changer et de ce que nous ne pouvons pas changer. Nous sommes des êtres limités. L’acceptation de nombreux phénomènes dans sa chair n’est pas aisée.

Cette philosophie a traversé les époques, a inspiré de nombreux auteurs de Pascal à Descartes, voire Kierkegaard, elle peut se rapprocher de celle que propose le Dasein de Ludwig Binswanger ( 1881, 1966 ), psychiatre, né et mort à Kreuzlingen en Suisse. 

Selon moi, c’est une manière d’observer le monde en tenant compte de la réalité du moment et de ce que l’on vit dans l’instant en tentant d’oublier tout ce que l’on sait. C’est aussi atteindre le « non jugement », « gagner en sagesse », c’est à dire, concrètement, passer par une introspection profonde et professionnelle, Où en suis-je ? Trouver ce que je peux changer intérieurement, peut-être ma peur de la mort, écouter la répétition qui peut s’installer et rechercher, par exemple, intérieurement de l’énergie, de la lumière ou de la volonté ou du courage afin de percevoir mon travail, la personne qui est en face de moi avec un autre regard. Comme si c’était la première fois. Revenir à l’intention : être soignant.

 

La phénoménologie est un regard sur le monde. Comme un photographe, je tourne autour de mon sujet. Ce n’est pas qu’un choix esthétique. La chance, l’intuition, la prise de risque sont autant d’éléments gravitant autour de l’acte photographique. Les photos que nous regrettons le plus sont celles que nous ne prenons pas. 

Ma manière de me préparer intérieurement aura une incidence sur mes prises de vues. Je peux devenir invisible ou au contraire très voyant. Travailler avec un Leica ou une chambre photographique. Je peux être dans le sujet, au plus proche de la vie de ce que je photographie, ou au contraire utiliser mes « modèles » pour exprimer mes propres émotions et mes goûts artistiques. Cette attitude est consciente. Un bon photographe est celui qui est en capacité de deviner ce qui va advenir dans cette réalité, ou d’être comme un archer qui ne vise plus mais atteint sa cible d’un seul geste. Lors d’une séance nous devons être dans l’univers de notre patient et peu à peu offrir un autre regard qui « poussera les bord des limites de la conscience » comme l’écrivait Ernest Rossi (1933-2020) 2.

Une séance de thérapie brève demande un savoir-être. J’ai choisi comme exemple de psychiatre Ludwig Binswanger car, à sa manière, il a été un précurseur. Il s’est intéressé au quotidien. Il a choisi une philosophie pour accompagner sa médecine. Il a enrichi sa pratique de sa réflexion sur l’existence. Il s’est intéressé à la poésie, aux dictons et surtout, pour moi, qui suis sophrologue et aujourd’hui praticien en hypnose, il a mis la corporalité au centre de son travail ou du moins, l’observation de celui-ci comme espace de symptôme des troubles de la pensée et de santé mentale. Ludwig Binswanger a été proche de Sigmund Freud (1856-1939). Ils ont eu une longue correspondance. Il a écrit de nombreux livres qui sont redécouverts aujourd’hui pour leur justesse. Son concept fort est « la nostrité » dans la vie quotidienne et plus particulièrement dans le soin. La « Dasein Analyse » a été son fil conducteur pour accompagner ses patients. Selon lui, notre regard à une incidence sur la personne soignée. Pour moi, c’est la base de mon savoir-être. Si je ne suis pas présent à moi-même avec cette approche, comment puis je soutenir un autre vers son mieux-être ?

II) La relation thérapeutique pour soutenir une guérison : la nostrité.

Ainsi, Ludwig Binswanger dans son essai « Rêve et existence » 3 commence très justement son ouvrage par l’évocation du lien corps-esprit. Évoquant un moment de désarroi, il note entre guillemets, « nous étions « comme frappés par la foudre ou comme tombés des nues ». C’est par ces mots que nous exprimons l’expérience que nous avions faite d’une déception déconcertante, usant d’une comparaison poétique qui n’étant née de l’imagination d’aucun poète déterminé, a jailli de cette partie spirituelle qu’est pour nous le langage ». 4 Il continue  son exposé de cette chute comme la sape de notre assise. « un choc qui l’a fait vaciller », ajoutant « Il n’est pas nécessaire pour cela de faire un détour par l’effet asthénique et son expression corporelle. Ce qu’il faut plutôt élucider, c’est la raison pour laquelle la déception a un caractère asthénique, à savoir parce que notre existence entière ne repose plus ici sur des bases « solides », mais au contraire sur des bases « faibles », voire ne repose plus sur rien, car, parce que son accord avec le monde est rompu, le sol s’est dérobé sous ses pieds et qu’elle est restée en suspens ». 5 Si nous observons qu’une déception nous fatigue, nous pouvons, logiquement, émettre l’hypothèse que l’évocation de quelque chose qui nous plaît et nous rend heureux pourra nous donner de l’énergie ou du moins, renforcer nos motivations. Dans cet ouvrage, Ludwig Binswanger explicite sa pensée que le rêve se mêle parfois à la veille et il émet l’hypothèse que le rêve serait l’expression de notre moi profond. L’hypnose comme état second peut nous amener à nous-même.

Binswanger écrit ce texte après la perte de son fils. Il choisit comme première citation « Il s’agit plutôt de s’attacher à ce que signifie : être un homme. » de Kierkegaard. Nous pourrions dire qu’il s’agit là d’une question existentielle. Ce sont souvent ces questions existentielles qui amènent à consulter : liberté, responsabilité, mort, solitude, désir, humanité, âge, rupture sociale. Ce livre est peut-être aussi une oeuvre de transcendance. Sa souffrance personnelle inspire un travail intellectuel et un besoin de trouver du sens à son existence, ou du moins, en retrouver.

L’approche thérapeutique de Binswanger est centrée sur le concret. Dans sa clinique, il invite ses patients à vivre des choses du quotidien. Dans son essai « la guérison infinie », il présente l’histoire d’Abu Warburg qui malgré une psychose aigüe parvient à se ré-insérer dans la vie quotidienne en travaillant dans une bibliothèque en faisant des almanachs. Son patient a toujours une vie de couple. Dans son ouvrage intitulé «le cas Lola Voss : schizophrénie», il dresse le portrait d’une jeune femme dont l’esprit et les interprétations prennent trop de place dans les relations et dont la maladie commence suite à un basculement dans sa vie amoureuse empêchée par sa famille. La rupture dans la vie, suite à un traumatisme, suite à une violence ou suite à l’annonce d’une maladie grave ou perte d’un emploi, ou deuil, (etc,) crée un avant et un après dans son existence que nous pouvons nommer comme traumatique. 

La souffrance nous emmène à nous dissocier. Parfois cela nous sauve de la folie d’une grande souffrance mais ce sauvetage peut avoir de tristes conséquences. Nous construisons un radeau qu’il faudra savoir abandonner pour gravir la montagne. Notre perception de la vie peut  changer et notre rapport au monde aussi. Ainsi, ce psychiatre émet l’hypothèse que le monde, notre place, notre corps et la place de notre corps dans l’espace sont prédominants et il pense que comme Épictète, que nos problèmes peuvent être le fruit d’un mauvais rapport au monde et à l’autre. Ce rapport au monde dépend de notre interprétation. « Car à la question de savoir qui et ce que, nous autres être humains sommes véritablement, aucune époque moins que la notre n’est parvenue à y donner une réponse aujourd’hui, précisément à nouveau aux tous premiers commencements d’un nouveau questionnement au sujet de ce Nous » 6. Cette question pose le cadre des relations humaines dans une existence présente et vivante dans une histoire temporelle et, en ce qui nous intéresse, du cadre d’un accompagnement que nous pourrions nommé « existentiel » ainsi que celui du rôle du thérapeute. Nous pourrions presque y voir une invitation au Zen qui promeut l’impermanence. Nous pouvons aussi émettre  une seconde hypothèse : pour Binswanger, rien n’est irréversible. La rupture nous transforme. Nous sommes dans une traversée. Le lien nous guérit. C’est notre « nostrité ». 

Ludwig Binswanger prétend que l’amour serait ce qui pourrait nous sauver. Dans cet espace de confiance mutuelle, la nostrité se développe. C’est ensemble que nous créons notre nostrité. Celle-ci est sans souci, abolissant les craintes. En tant qu’aide-soignant, ce point de vue m’invite à associer les bénéficiaires de mes soins. Il n’est pas nécessaire que ce lien soit rompu comme lors d’une psychose, nous pouvons le préserver et le développer. Faire une toilette a quelqu’un met cette personne dans une position particulière. Le patient peut être acteur de son soin pour préserver son autonomie et sa dignité.

La psychose semble être le fruit d’une rupture avec le monde et les autres. Est-elle le fruit de l’angoisse, de la peur, d’un traumatisme ? Binswanger émet l’hypothèse que l’existence (la vie, les autres, le système…) crée le problème. Il ne s’agit d’un déterminisme comme laisse à le penser certains théoriciens de l’époque. Notre existence peut nous amener à avoir de soucis de santé. Il ne s’agit pas de quelque chose de structurel mais d’une réaction à un ou plusieurs événements qui nous amène à cette maladie. Le symptôme, signe apparent de la maladie, peut être salutaire et nous pouvons guérir en changeant des choses dans notre existence. La solution n’est pas l’éloignement mais la vie avec les autres dans le monde. Revenir à ici et maintenant. Revenir au corps. Revenir aux sensations et à nos émotions.  « Jusqu’à ce que nous trouvions un nouveau point d’appui ferme dans le monde, notre Dasein  7 tout entier se voit orienté dans la direction de sens du chancèlement, de l’affaissement, de la chute. » 8. 

Le thérapeute est alors comme un guide de haute montagne, selon Binswanger. Il doit entrer en « stimmung » du lien avec le patient. Pour Binswanger, c’est être en entièreté avec son patient, en « nostrité ». Tout est là pour que nous puissions grimper la montagne. C’est un postulat que nous pourrions assimiler à une croyance, voire une foi dans la vie.

« Soigner n’est pas être en préoccupation utilitaire d’un objet, c’est établir une relation de nostrité, se fondant sur la possibilité de la restauration de la réciprocité. Au fond, pour Binswanger, la pathologie est toujours une défaillance de la structure fondamentale de l’amour, et si le médecin reproduit cette défaillance (en considérant le malade comme une machine cassée, un objet à réparer) il ne peut que l’enfermer dans son idios kosmos, son monde solitaire. » ajoute Michel Dupuis, philosophe et auteur de « Le soin, une philosophie » et « L’éthique organisationnelle dans le secteur de la santé » 9.

Cette approche phénoménologique est essentielle pour établir une communication juste avec notre patiente. En tant qu’émetteur de signaux corporels, verbaux, non verbaux, je dois veiller à mon intention et aussi éloigner tout jugement ou tout a priori. Je travaille dans l’ici et maintenant avec toute ma corporalité et aussi toute ma culture. C’est à dire que je dois oublier le peu que je sais… 

III) Présentation d’Évadné, et rencontre avec l’hypnose.

À notre première rencontre, Evadné porte un foulard sur la tête. Elle est mince. Elle a des baskets. Je porte une casquette ce matin là et, assez curieusement, je ne l’ai pas enlevée. Je m’en rends compte pendant l’entretien. Je l’enlève. Évadné est mon premier rendez-vous de la matinée. J’écoute sans poser de question. Je vois pour la première fois Evadné et je me demande comment je vais pouvoir l’aider ? Comment vais-je faire avec mes peurs ? Il s’agit d’une recommandation et je débute dans ma pratique. Je sais que je dois voir Évadné ni comme une personne malade, ni même guérie, je dois être là, comme nous l’a enseigné Binswanger. C’est à dire « je ne sais rien », je suis « comme un enfant », sans jugement, et cela tombe bien car je n’ai encore aucun a priori sur le suivi.

Evadné m’informe qu’elle va subir une intervention chirurgicale. Elle a un cancer du sein. Elle a déjà eu une chimiothérapie mais les médecins ont décidé d’enlever une partie du sein et de mettre une prothèse tout de suite après l’opération. Evadné a été infirmière puis cadre au CHU. Elle n’a pas peur de l’opération. Elle fait confiance aux chirurgiens mais elle sait que si  elle n’accepte pas l’opération, elle risque d’avoir des séquelles. Elle me dit très clairement avoir peur de perdre « son intégrité ». 

Elle me raconte aussi qu’elle vient de vendre sa maison et ses terres à Rezé. Ces terres appartenaient à sa famille depuis de nombreuses générations mais ils doivent vendre pour construire une nouvelle maison plus spacieuse. Elle a 64 ans. Suite à un burn out, elle n’a pas repris son activité professionnelle. Elle m’explique très naturellement que dans son service, il y avait beaucoup de maltraitance entre les soignants et aussi avec sa hiérarchie et qu’elle a lutté, qu’elle tenait jusqu’au jour où elle a «oublié de porter son armure». Ce jour là, me dit-elle, elle a reçu de nombreux coups et après elle n’a plus pu travailler.

Lors de cet entretien, je n’ai pas posé de question ou très peu. Evadné me parle avec aisance. Sa volonté est claire. Elle souhaite faire une séance car on lui a dit que c’était utile pour préparer une opération chirurgicale. 

Par rapport à son intégrité, je ne perçois pas, là, maintenant, ce que peut faire la sophrologie, par-contre je vois clairement ce qu’il y a à travailler avec l’hypnose. Pour Évadné, il s’agit d’une vue de l’esprit. Si je parviens à la faire revenir à son corps et si je re-cadre son discours intérieur, cela l’aidera, j’en suis persuadé. Un état de conscience modifié permet d’entendre avec notre sagesse intérieure.

« Les patients qui viennent en thérapie ne sont pas atteints d’un syndrome confusionnel aigu mais ils sont tous plein de certitudes auxquels ils s’accrochent alors qu’elles «ne marchent plus» et ils ont commencé à devenir confus. Ces certitudes étaient utiles et adaptées à un moment de leur vie mais ne le sont plus. Avec le temps et le passage du cycle de la vie, elles sont devenues toxiques mais ils ne le savent pas. Souvent, ils commencent à s’en rendre compte, mais ils y tiennent quand même.» explique Dominique Megglé 10.

Nous pouvons affirmer que l’hypnose ne demande aucun effort volontaire du patient, son inconscient peut être réactivé par cette parenthèse hypnotique.

« Erickson est persuadé, à la suite de Freud, que les forces d’ordre inconscient déterminent au premier chef l’existence humaine mais il tire de ce fait des conclusions diamétralement opposées à celle de Freud. Pour qu’il y ait modification profonde et durable, il faut que le système de ces forces inconscientes soit transformé. Mais il ne peut l’être que si l’on demeure au niveau de celle-ci, c’est à dire que si le processus reste inconscient. D’où son peu de souci pour l’interprétation, d’où au contraire son usage constant des détours, de la confusion, des  métaphore ou des actes à poser : tout moyen qui vise, non pas à comprendre, mais à faire fonctionner autrement. » écrit François Roustang 11.

J’entends surtout qu’Evadné a besoin d’un travail avec l’hypnose pour recadrer sa vision de l’opération. Il ne s’agit pas d’une perte d’intégrité. Si je lui dis de manière abrupte, je suis sûre qu’elle aura le sentiment d’être face à une personne qui la juge ou qui se place au dessus d’elle. Nous allons faire notre travail ensemble. Il ne peut y avoir de supérieur dans une création mutuelle. Evadné me dit qu’elle a lutté contre la maltraitance institutionnelle et qu’elle a perdu le sens de son travail. Il s’agit là aussi d’intégrité. L’intégrité pourrait être au centre de son existence.

Evadné est mariée. Elle a un fils qui vit à Versailles et deux petits enfants. Elle a des amies qui lui sont chères, une soeur. Elle a des moyens financiers. Elle a très envie de vivre. Même avec son foulard, elle tient debout. Je l’appelle Évadné en souvenir de la mythologie grecque où Évadné est une fille de Poséïdon. Nous verrons que l’univers marin lui est propice.

Après avoir écouté les raisons de la venue d’Évadné au cabinet, je l’invite à s’installer confortablement dans un fauteuil anti-stress. Il s’agit du fauteuil rouge avec des bras noir pour vivre la transe. Elle le trouve très confortable. Je lui propose une couverture. Un corps qui se détend entre plus facilement en relaxation. J’utilise la méthode du « yes set » afin qu’elle adhère à la transe. Oui, Évadné est confortablement installée. Oui, elle a suffisamment chaud. Oui, elle est prête pour ce voyage intérieur. Je lui propose de poser sa conscience sur sa respiration, puis d’observer le corps qui se détend. Je l’invite à fragmenter ce corps. J’utilise beaucoup de subterfuges connus des hypnotiseurs. Je ne sais pas vraiment où je vais. Je connais bien les procédés d’inductions. J’utilise par exemple, les expressions comme « il n’est pas nécessaire d’être présente totalement à vous même, une part de vous même suffit. Votre inconscient comprendra et prendra note de ce dont il a besoin.» en parlant sur son expiration.

Parfois, il s’instaure un dialogue pendant cette première séance. Là, Évadné ne dit rien. J’entend son silence. Cette manière de procéder, au fil du temps, presque rituellement, avec un temps de parole puis une discussion sur l’objectif de la séance et enfin une proposition d’exercices, deviendra notre manière de faire ensemble. 

 Il y a peu, nous avons appris à Ipnosia Nantes comment créer un conte en prenant des mots, des sensations, des expressions de « notre patient » pour en faire quelque chose d’hypnotique. C’est un exercice qui me rappelle un jeu littéraire où nous prenons des mots dans le dictionnaire au hasard pour écrire un texte selon une certaine consigne. 

Mon objectif est qu’Évadné ait une autre perception de son intégrité. J’ai peu de matière mais j’espère en avoir suffisamment. Comme ne cesse de le répéter Thierry Servillat, mon professeur, il faut  « tirer avant même viser » surtout si nous n’avons qu’une balle. 

IV) Ma méthode pour cet accompagnement : séance après séance, en fonction de besoin d’Évadné. Première séance : le recadrage.

Je ressens beaucoup de calme et de détermination chez Évadné. Ma vision d’Évadné est celle d’une jardinière mais une jardinière dynamique. Je lui parle « des pots remplis d’une terre qui servent parfois à emmener des plantes vers un autre lieu. » Je pense alors que le jardin peut être une métaphore de son intériorité. C’est aussi un lieu où l’on voit les saisons passer. Je sais qu’elle aime particulièrement ses rosiers, je l’ai interrogé sur ses occupations. Je ne suis pas sûre qu’elle veuille emmener ses rosiers, mais sans doute va-t-elle commencer à aménager son nouveau jardin autour de sa nouvelle maison. Je continue alors en disant « La plante peut vivre au delà de sa terre d’origine si l’on en prend soin. » Je continue sur cette métaphore de la terre et du jardin « où parfois des chardons ou des orties viennent s’y nicher, que pouvons nous faire ? Nous pouvons les couper mais ils repousseront. Il est bon alors d’enlever les racines, de nettoyer la terre, voire, de la mettre ailleurs pour la remplacer. » Je pense qu’enlever une partie de notre corps ou vivre avec des prothèses n’enlève rien à notre unité voire notre intégrité. « Nous pouvons rajouter de l’humus. Il arrive aussi parfois, même si c’est très rare, qu’une fourmilière s’installe dans notre jardin. » C’est une métaphore du cancer qui me vient à l’esprit. « Nous la voyons pousser, devenir de plus en plus importante, les fourmis peuvent parfois coloniser tout un espace et venir dans notre maison. Ce n’est pas agréable. Il parait que nous pouvons les éloigner avec de l’eau bouillante, c’est cruel. Si les fourmis sont nécessaires pour aérer notre sol, trop de fourmis, c’est gênant. Il faut alors mettre de l’eau salée ou très chaude dans la fourmilière. La terre, même sans cette fourmilière, reste intègre. D’ailleurs, je ne sais si vous connaissez, le Burkina Faso, avant, nous l’appelions la Haute Volta. Ce pays se trouve en Afrique de l’Ouest. C’est un pays de savane. Un pays plat et un peu sec. Lorsque ce pays gagna son indépendance, il choisit de s’appeler Bukina Faso, la patrie « des hommes intègres ». L’intégrité est parfois garante de notre indépendance. Notre intégrité est souvent une posture morale. Votre existence parle pour vous de cette intégrité. Rappelez-vous le nombre de fois où vous avez été intègre, où vous avez été inclusive et ouverte. » J’informe ma patiente de ce que je pense, très clairement. Nous pourrions même dire qu’il s’agit d’un compliment. « Au pays des Hommes intègres, seul comptait l’intégrité moral car celle-ci était garante de l’indépendance. L’indépendance est une danse légère. Elle peut nécessiter des délestages et des changements. C’est l’espoir qui nous donne la force d’avancer. Parfois, nous sommes comme sur le gué d’une rivière. Nous traversons à pied. Chaque pas devient un premier pas. Tout notre corps est en équilibre instable. Nous avançons, pas à pas, incertains jusqu’à ce que nous ayons traversé la rivière. » C’est peut-être ce que vit ma patiente aujourd’hui. « La vie, l’eau circule autour de nous. Chaque pas est une victoire. Notre corps lui aussi est constitué d’eau. Vous n’imaginez pas la douceur et la force de l’eau.  Il ne sert à rien de lutter contre l’eau et la vie qui est en nous. Elle peut nettoyer. Elle éloigne les tensions. Elle a un doux chant. Elle danse sans cesse malgré les obstacles. Elle suit son chemin de vie. Peut-être pouvez-vous ressentir cette circulation en vous. Savez-vous qu’il y a plus de 70% d’eau sur la terre. C’est pourquoi nous l’appelons la planète bleue.. » 

J’ai particulièrement besoin de mettre cette distance avec un certain cérémonial pour m’exprimer, pour dire des choses, pour recadrer. Je ne parviendrai pas à dire ce que je pense tout de go. Évadné est sortie de cette première séance détendue. Nous fixâmes un autre rendez-vous après l’opération. Je ne sais pas si j’ai fait un discours post hypnotique. Je ne crois pas. Peut être que de prendre un autre rendez-vous était déjà une façon de se projeter dans le futur. Et je ne savais pas trop quoi dire de plus à Évadné. J’ai eu le sentiment qu’Évadné était plus souple. Elle était très satisfaite de cette séance.

Si nous nous rapportons aux explications biologiques du cancer, nous savons aujourd’hui, qu’il s’agit d’un dérèglement cellulaire où certaines cellules refusent leur apoptose. 

Dès l’antiquité, les médecins observent une grosseur et très vite, ils opèrent, si le stade le permet, sinon, ils ne font rien. Le traitement est alors un accompagnement palliatif. L’annonce de notre mort peut être vécue comme un traumatisme. C’est même une définition du traumatisme : voir notre propre mort. Le second choc peut être l’annonce de l’amputation, dans le cas d’un cancer du sein, de ce sein. Le troisième choc, est souvent le traitement : la chimiothérapie nous fait perdre les cheveux, notre maladie devient visible, le traitement nous rend malade. Nous vomissons. Nous sommes constipés ou au contraire nous avons des diarrhées. 

Notre maladie nous exclut du quotidien ou du moins d’un quotidien productif. Les autres chocs viennent de l’anéantissement de nos défenses naturelles qui entrainent d’autres pathologies. 

Les autres chocs seront, parfois, l’annonce d’une colonisation de métastases dans l’ensemble du corps. Notre famille vit cela, souvent dans l’impuissance, à coté, ou s’éloigne. Le cancer est souvent synonyme de guerre. « La guerre est déclarée », le film de Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm sorti en 2011, nous donne le ton de cette course «contre un crabe». Des associations pour la recherche existent, des lieux de soutien aussi, le cancer est aujourd’hui de plus en plus visible et de nouvelles thérapeutiques existent, outre la chimie ou les rayons. Il y a de l’espoir.

V) Résultats Cliniques.

L’hypnose a une action phénoménologique. Ma patiente s’en est emparé pour vivre son traitement et la fin de ce traitement ainsi que les conséquences de celui-ci. Chaque séance, sauf une où je n’ai pas suffisamment écouter la demande de ma patiente, a été une réussite car j’ai appliqué la méthode de Thierry Servillat basée sur l’approche solution. J’ai centré sur un objectif par séance. À chaque séance, Évadné aura un outil pour faire face à sa difficulté.  

Comme nous l’écrit le professeur Gérard Osterman dans la préface de « l’aide mémoire Hypnose » 12, « l’hypnose signifie sommeil », ce qui, selon lui, est complément erroné. Si nous pouvons constaté que le calme permet d’entrer en hypnose, ce n’est pas le seul état nécessaire pour entrer ou faire de l’hypnose. « Pour une raison inconnue, l’hypnose nous donne la possibilité de modifier notre expérience interne. Ainsi, un goût de pomme peut surgir de notre mémoire, même si nous sommes en train de manger un oignon. De même au cours d’une opération chirurgicale sous hypnose, le sujet peut contrôler le saignement, ce qu’il est incapable de faire habituellement. » nous raconte William Hudson O’Hanlon 13.

Premièrement, nous pouvons dire que l’hypnose est un état modifié de conscience. Nous pouvons ajouter que c’est une sorte de continuité de l’approche de Binswanger puisque cela modifie notre perception pendant un moment. Nous mettons entre parenthèse « ce que l’on sait ».  Nous entrons dans un univers avec moins de jugement, notre vigilance se transforme. Cette expérience modifie notre vision du monde. Des phénomènes alors inconscients peuvent se manifester à la conscience ou jamais.

« La grande nouveauté de l’hypnose, c’est son ancienneté » ajoute Dominique Mégglé, Psychiatre, président de l’institut Milton Erickson Méditerranée dans son ouvrage « douze conférences sur l’hypnose, la thérapie brève et les sangliers »14. Il ajoute que la psychothérapie est née de l’hypnose. Il précise même qu’elle serait née du magnétisme. 

Dans « la fin de la plainte », de François Roustang (1923-2016) philosophe et hypno-praticien, nous pouvons lire dans son article « Je m’attends qu’il changera », que le docteur Sigmund Freud (1856-1939), alors élève du docteur Jean-Martin Charcot (1825-1893) note « que l’état psychique d’attente, qui est susceptible de mettre en branle toute une série de forces psychiques ayant le plus grand effet sur le déclenchement et la guérison des affections organiques, mérite au plus haut point notre intérêt. ». L’attente anxieuse, continue François Roustang, qui « favoriserait l’apparition de maladie doit être distinguée de l’attente croyante, force agissante avec laquelle nous devons compter, en toute rigueur, dans toutes nos tentatives de traitement et de guérison.15 » écrit-il. 

Son idée est que parfois nos craintes nous empêchent d’avancer. Milton Erickson raconte l’histoire de ce jeune appelé qui ne peut traverser une plaque de verglas dans un état de conscience dit normal. Il y parviendra en fermant les yeux et en tournant tout en se tenant aux bras de Milton Erickson. L’hypnose pourrait être définie comme un état d’être différent, soit plus centré, soit plus dissocié, en mouvement vers le changement et la solution. « Je pense que le fait d’avoir appris très tôt l’hypnose est une des choses qui a fait de Erickson un thérapeute optimiste. En apprenant l’hypnose, vous devenez optimiste parce que vous découvrez que les gens peuvent avoir le contrôle de leur expérience. Si je vous dis : « Que vos mains s’engourdissent », vous allez répondre : « je ne sais pas comment faire ». Mais si je vous berce du charabia hypnotique et que je vous oriente à l’intérieur de vous même, vous pourrez faire que vos mains s’engourdissent. Vous ne savez pas le faire de manière consciente et délibérée, mais en fait c’est possible pour vous. Ainsi, je ne sais pas pourquoi, je peux ou vous pouvez obtenir que vous restiez aux commandes, et je peux vous aider à faire que vos mains se réchauffent, se refroidissent ou s’engourdissent 16 ». Expliquera W.H O’Hanlon. 

Le docteur Thierry Servillat, dans son dernier ouvrage, rendant hommage à ces maîtres Insoo Kim Berg et Steeve de Shazer, tous deux psycho-thérapeutes, nous invite à questionner l’objectif thérapeutique. « A quoi pourrez-vous savoir, si c’est le cas, que cette séance aura été, au moins un peu utile pour vous, peut-être quand vous sortirez de cet immeuble ou un peu plus tard…  ? » 17 dès nos premiers échanges, créant ainsi une première anticipation en âge et mettant au travail le patient.  « Effectivement, nos patients arrivent dans nos cabinets pour savoir comment faire pour aller mieux. Ils souhaitent généralement qu’on leur indique cela. Pour cela la notion de but, celle d’objectif même, est essentielle au changement. Un objectif précis et positif, alors que les patients veulent souvent la disparition du problème qui les fait souffrir. Milton Erickson disait qu’ « un objectif sans date est un rêve »… un objectif positif favorise des thérapie plus courtes » 18.  Nos objectifs avec Évadné, étaient toujours dans les deux semaines après la séance : préparer ses vacances, éloigner les tensions… Thierry Servillat propose aussi, comme savait le faire Milton Erickson, de ratifier et surtout de complimenter la personne.  « Le premier besoin en thérapie est que le patient puisse trouver ou retrouver ce sentiment de pouvoir faire la thérapie, en tout cas d’y participer. » et pour cela, Steeve de Shazer explique « tout d’abord, nous, nous relions le présent au futur (ne tenant pas compte du passé, -excepté des succès passé), ensuite nous complimentons les clients sur ce qu’ils  font déjà et qui est utile et/ou bon pour eux, et ensuite – une fois qu’ils savent que nous sommes à leur coté – nous pouvons suggérer quelque chose de nouveau qu’ils puissent faire et qui soit, ou tout du moins qui pourrait être bon pour eux » (de Shazer 1985) et « lorsque le client admet la solution, il lui est facile d’admettre les problèmes » 19 (Berg et Miller, 1992) Ajoute, Thierry Servillat. 

« D’une façon générale, les questions orientées solution visent à obtenir des détails, à créer de la différence. Le plus possible.

L’idée qui sous tend la démarche est que la souffrance uniformise, génère de l’anomie. Ce dernier terme a été créé par le sociologue Émile Durkheim pour définir la perte des règles dans un groupe social, voire chez un individu. Suite à la perte de ces règles organisatrice, le chaos s’installe. 

Les questions orientées solution sont destinées à lutter contre ce chaos, à construire de la différenciation et de l’individuation. En proposant notamment des choix au patient, celui-ci peut exercer sa liberté nouvelle et exprimer des préférences. » 20 ajoute Thierry Servillat, dans  son dernier ouvrage. Nous pouvons aussi ajouter, que parfois, le patient peut créer avec nous sa représentation nouvelle de son monde intérieur, ici et maintenant, mais aussi future. 

Ce que l’hypnose nous permet.

En proposant une pratique voire deux pratiques solutions à chaque séance, Évadné fait l’épreuve de sa capacité à aller mieux et trouver une solution à son mal être, ne serait-ce qu’un instant. La joie s’exprime alors. C’est un moment de libération et d’espoir. Dans le tumulte, trouver la paix en soi, revivre des sensations agréables, utiliser son imaginaire pour s’évader, vivre avec la maladie mais pas tout le temps… c’est aussi phénoménologique puisque un instant nous mettons de coté certains aspect de notre réalité pour en aborder une autre. Nous entrons quelques minutes dans un univers parallèle. Et peut être que ces moments colorent alors notre existence. Celle-ci se transforme.

Évadné a très bien vécu l’opération. La prothèse s’est bien stabilisée.

Elle revient me voir car elle a une pneumonie et que celle-ci interfère sur sa prochaine chimio-thérapie. Elle me dit alors « J’ai comme été saisie, le médecin m’a dit que cela allait être retardé parce que le bilan n’était pas bon au niveau pulmonaire. Pouvez-vous faire quelque chose pour que je ne sois pas ainsi paralysée. J’ai le sentiment que cela vient et que je ne peux rien faire. Et ce n’est pas la première fois. En ce moment je n’arrive plus à faire les choses comme avant. »

 Évadné est une personne qui a toujours aimé faire du sport. Elle est très active. J’ai le sentiment qu’elle n’a pas conscience de sa fatigue mais il n’y a pas que cela. Les paroles du médecin l’ont saisie. Le corps médical s’occupe de nos corps. Je lui demande alors, « à quoi cela lui fait penser. Et si c’était là devant elle, comment nous pourrions nommer cette chose qui la paralyse ? Est une machine ? Un animal particulier ? Ou autre chose ? » 

Je n’émet aucun jugement. La situation semble être problématique mais peut être ne l’est elle pas. Je souhaite par cette question externaliser le problème. Je souhaite mettre le problème à coté, comme nous pouvons le faire avec une douleur. En même temps, je détourne mon visage et mon corps pour que nous voyons ensemble l’objet qui la retient. 

Ce n’est pas elle le problème. En faisant comme ça, je réifie le problème. Je lui donne l’autorisation de prendre de la hauteur par rapport à son problème. La difficulté évoquée est la paralysie mais ce n’est pas l’objet du problème. C’est aussi assez hypnotique si la personne se prend au jeu. J’attend sa réponse. « C’est une pieuvre » me dit-elle. Nous prenons un moment pour observer cette pieuvre ensemble. Elle est de taille moyenne. Elle est ocre. Elle pourrait flotter dans le cabinet facilement. Elle peut aussi enlacer Évadné. Évadné est mince. En se donnant une représentation métaphorique de ce qui la tracasse, ma participante entre dans un autre rapport avec ses difficultés. Elle devient, quelque part, une artiste, qui, d’un souci fait une oeuvre. Une oeuvre artistique est toujours personnelle. Une oeuvre d’art est sans jugement.

« Il est important pour les thérapeutes de se méfier de leur contribution à l’uniformisation des problèmes, c’est à dire, de définir les problèmes en des termes totalement négatifs. Cette uniformisation du problème vient des habitudes de pensée dualiste, si répandue dans la culture occidentale. Rester conscient de ce mode de pensée et de ses dangers, peut demander un effort particulier aux praticiens. Cette conscience est importante car l’uniformisation peut occulter le contexte plus large des problèmes que les gens apportent en thérapie, et disqualifier ce qui a de la valeur pour eux et qui pourrait les soutenir. » explique Michaël White. 21

La pieuvre peut apparaître. Elle a forcément de bonnes raisons. La prochaine fois qu’elle vient, j’invite Évadné à se poser cette question : Pourquoi la pieuvre vient-elle ? Et quelle phrase peut-elle utiliser pour lui faire comprendre que ce n’est pas le bon moment. Évadné dit alors « Laisse moi en paix, s’il te plaît. Nous pourrons nous voir plus tard si tu veux. »

Je l’invite alors à aller dans le fauteuil dédié à la transe pour vivre un exercice. Elle aime beaucoup ce fauteuil. Elle n’en a pas de comme cela. Elle s’installe. Je lui demande si elle aime se promener le long des rivières. Elle me dit qu’elle l’a fait quelque fois en Corse. Je lui propose avec quelques inductions d’entrer en transe. Mon idée est que le calme soit plus présent dans sa vie et qu’elle ne se laisse pas saisir par une difficulté liée à la fatigue ou par des paroles ou des regards abrupts de médecins. Je ne vais pas non plus lui dire qu’elle est fatiguée à cause de son cancer. Je pense davantage à une sorte de promenade dans l’élément aquatique après s’être délestée de ce qui pourrait l’empêcher d’être libre, libre d’accepter ce qui vient. Je pense que cette idée m’est venue en voyant cette pieuvre. Je prends aussi l’idée du cycle de l’eau pour induire une sorte d’acceptation dans la vie et dans la mort. Le refus d’apoptose au niveau cellulaire est peut être un souhait d’éternité, or l’éternité n’est elle pas dans le va et vient de l’océan. 

Pendant cet exercice, je saupoudre quelques mots.  Après une induction plus rapide que lors de notre première séance, je lui dit « Vous souvenez-vous de ces temps de vacance en Corse où parfois vous longiez une rivière ? Vous pouviez traverser cette rivière et remonter jusqu’à la source et ressentir les sensations agréables de cette promenade. Les bords de rivières en été sont des refuges. Nous pouvons les suivre parfois. Nous pouvons, maintenant, imaginer que nous allons, dans un premier temps, déposer tout ce dont vous n’avez pas besoin »..

Silence, Évadné est suffisamment active pour que je ne rajoute rien.

« Être plus légère sur ce chemin. Continuez d’avancer vers la source. Un peu comme si nous revenions en arrière. Vous savez, parfois, c’est bien d’aller en arrière, voire de remonter le temps pour trouver des solutions ou de la motivation en voyant tout ce que l’on a réussi. 

Certaines truites remontent le courant de la rivière pour que la vie suive son cours. Là, vous voyez peut-être la rivière qui devient un ruisseau. Vous pouvez observer à quel point l’eau peut être vivante. Vous savez sans doute que nous sommes constitués d’eau, principalement. Vous pouvez choisir de marcher pieds nus dans le ruisseau ou au contraire sur le bord. Les ruisseaux viennent tous d’une source, semble-t-il. Et nous pensons toujours que la source est la racine de tout. Et c’est vrai, évidemment, et en même temps, c’est le ciel qui nourrit la source. 

Peut-être, approchez-vous maintenant de cette source. Y êtes-vous au dessus ? L’eau du ciel est venu jusque là. Le saviez-vous, la source a sa racine dans l’océan. Nous pouvons maintenant, si vous le souhaitez, revivre cette promenade jusqu’à l’océan. Nous pouvons avancer d’un bon pas, sereins, nous connaissons le chemin, nous sommes en sécurité sur le bord de la rivière. Le ruisseau est devenu une rivière. Peut-être entendez-vous l’eau, les oiseaux, percevez-vous la lumière à travers les arbres, ressentez-vous l’humus de la forêt ou au contraire le soleil qui se fait de plus en plus présent. Peut-être y a t-il des endroits où vous avez besoin de nager pour suivre ce lit de rivière. Vous l’aurez remarqué, ici, le temps et l’espace sont des notions assez flous. Votre voyage intérieur ne connaît pas de limite contrairement à votre corps qui peut en avoir. Vous pouvez être là, ici, et en même temps dans votre promenade en bord de rivière qui se transforme en fleuve pour aller se jeter dans la mer… Il arrive parfois que l’eau fasse un plongeon dans le vide… avant d’atteindre la mer ou l’océan.

Vous qui aimez tant nager. Et bien sachez, que l’eau de la mer lorsqu’elle s’évapore, nourrit les sources, c’est un cycle. La nature accepte tous les cycles… Peut être pouvez-vous, à présent, revoir cette plage où vous vous promenez avec votre mari regardant l’océan et sa marée qui va et vient. Plus elle s’éloigne et plus le calme s’installe en vous. Plus votre respiration devient profonde plus le calme s’installe en vous. Vous pouvez vous réfugier dans votre calme comme dans une bulle. Vous pouvez éloigner toutes les tensions en restant concentrer sur votre respiration calme, très calme. » Évadné se détend très profondément. Elle ne bouge pas malgré sa pneumonie. En sortant de l’exercice, elle me raconte qu’elle s’est transformée en sirène et qu’elle a vu la pieuvre. La pieuvre lui a fait un clin d’oeil puis elle s’est éloigné plus loin.

L’hypnose permet la créativité et l’autonomie de ma patiente dans son suivi clinique.

Évadné a pris un troisième rendez-vous. Elle n’a pas pu commencer sa chimio. Elle tousse beaucoup.  Elle ne parvient pas à dormir. La séance semble devenir un lieu où elle se pose. J’ai trouvé un livre où une patiente ayant eu un cancer utilise les contes pour faire face aux difficultés. Je m’inspire de l’une de ces histoires pour emmener Évadné en voyage où il y aura la décision d’aller au delà de l’horizon que le système médical lui propose de respecter, de dépasser ses limites, de trouver d’autres chemins etc. J’ai préparé ma séance. Évadné rentre en transe assez rapidement. Quand elle est en transe, elle ne tousse pas. Et lorsqu’elle sort de l’exercice, elle me dit « Et bien j’ai vécu autre chose. Je vous entendais mais j’ai choisi de faire autre chose. Je me suis vue sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle en vélo. Nous étions trois. Il y avait une bonne amie devant moi et une autre personne dont je n’ai pas réussi à voir le visage. Nous avancions avec toujours une de nous trois qui prenait la tête du trio. Un coup, j’étais devant puis ensuite derrière et parfois au milieu. C’était très agréable. J’ai toujours rêver de faire ce pèlerinage. »

Le patient vit ce qu’il veut vivre. Il n’y aucune possibilité de prendre le contrôle. Pour Thierry Servillat, nous pourrions nous contenter de « bla bla bla ». Je ne sais pas si je pourrais faire cela un jour. Évadné a mis en place seule sa « thérapie ». Lorsque la chimio Thérapie a repris, elle a inventé des gommettes pour visualiser son traitement. La pieuvre est devenue son amie. Elle pouvait l’amener avec elle lors de rendez-vous médicaux, notamment avec son pneumologue. Elle n’était plus seule. La pieuvre est restée tranquille.

« L’hypnotiseur n’a pas de pouvoir ; le patient sait ce qui est le mieux pour lui ; il a des richesses intérieures insoupçonnées de lui-même ; l’hypnotiseur facilite l’expression des potentiels latents de la personne grâce à une communication soignée et respectueuse qui fait que le patient, se sentant compris, exprime le meilleur de lui-même… ; c’est alors une surprise pour tout le monde, et le patient le premier, c’est grâce à cela que la psychothérapie est possible, laquelle ne peut être que brève, à moins de chercher à guérir la condition humaine…! »22 explique Dominique Megglé.

Une séance où Évadné vit une catalepsie pour une opération chirurgicale de l’oeil.

« Emmanuel, je vais faire une opération sur mon oeil gauche. Je vais devoir garder l’oeil ouvert pendant au moins 40 minutes. Avez-vous une solution ? » me dit Évadné.

J’ai pensé tout de suite a une catalepsie. Je savais qu’Évadné serait en capacité de faire cet exercice et que cela la rassurerait. Je n’avais jamais fait cela avec personne avant. Les inductions avec Évadné devenaient très faciles et rapides. « Je vous propose de faire une lévitation de vos mains et ensuite d’ouvrir les yeux pour constater que vos mains ne bougent pas et ensuite de garder les yeux ouverts tout le temps que vos mains reviennent sur vos cuisses. »

Évadné est partante. Je fais une longue induction, très profonde en m’appuyant encore plus que d’habitude sur sa respiration. L’hypnose devient profonde. J’invite à la lévitation d’une main puis de l’autre. Je souhaite qu’évadé constate par elle-même les pouvoirs de son inconscient. J’aurais pu faire cet exercice il y a bien longtemps mais je n’en ai pas eu besoin. L’idée, là, est de rassurer Évadné sur sa capacité à être en état de catalepsie pendant un certain temps. Évadné me dit que l’opération peut durer 40 minutes. Il faut, donc, que j’induise l’idée de pouvoir ralentir le temps ou paradoxalement l’accélérer. Évadné devra avoir les yeux ouverts pendant 40 min sans bouger. Elle devra rêver, penser, peut-être chanter les yeux ouverts. À vue de nez, cela me semble ardu mais je sais Évadné courageuse. N’est-elle pas la fille de Poséïdon ? L’opération s’est déroulée à merveille. Évadné a eu l’impression que cela n’avait duré que dix minutes. Elle interrogea son chirurgien. Et son chirurgien lui confirma. 

 

Conclusion

Cet accompagnement avec l’hypnose a été assez exemplaire. Évadné est une personne créative. Évadné a su tirer le meilleur d’elle-même dans toutes nos séances et de cette expérience. Au fil du temps, notre patiente a changé. Elle a accepté de ne pas forcément tout maîtriser. Elle a aussi accepté de ne pas forcément répondre à toutes les demandes de son fils ou de ses petits-enfants. Elle a changé en acceptant sa chevelure Re-naissante, parfois  complément décoiffée. Elle a accepté de ne plus courir ses 10 km par semaine. Elle a accepté de partir un week-end à Paris sans savoir où elle dormirait. Elle projète de faire du ski à nouveau. Elle aménage sa nouvelle maison. 

Sans doute était-ce dans sa personnalité. Sa vie et ses difficultés antérieures l’ont peut être préparée à cette épreuve. Elle a fait preuve d’autonomie en venant me voir.

En tant que thérapeute, ou accompagnant, la phénoménologie, comme nous avons pu le constater est une réelle philosophie du soin. Cette introspection professionnelle avant et après la ou les séances garantit une écoute et des réponses appropriées pendant celles-ci. Nous avons besoin de distance pour accompagner nos patients. L’essentiel n’est pas dans une technique mais dans le savoir être qui peut devenir un savoir faire. L’analyse de pratique est souvent un bon moment pour prendre conscience de nos actions ou/et de nos freins. L’activité en tant que professionnel libéral n’a pas toujours cette instance. Le travail pluridisciplinaire dans un accompagnement d’une personne en rémission de cancer est un plus. 

La question de la fin de vie est aussi au coeur de ces accompagnements. Si nous n’avions pas peur des conditions de fin de vie, peut être aurions nous moins peur de mourir et donc moins peur de la mort d’autrui ? Qu’elle place peut avoir l’hypnose dans ce domaine ? L’hypnose peut-elle devenir existentielle ? Ne l’est elle pas déjà ? 

L’approche solution a un certain point de vue sur l’existence. Elle nous met dans l’intention. Nous pouvons être devant nous même sauf si nous répondons dans l’instant. Il faut être sans égo, alors, tout oublier, même le futur.

En tant qu’aide soignant, j’ai eu l’opportunité de travailler dans une unité de soin palliatif. J’ai pu proposer deux séances d’hypnoses qui ont été appréciées par les patients et les autres soignants, mais je n’ai pu m’échapper trop longtemps des contingences des aides-soignants.

Sans doute, faut-il trouver un fonctionnement plus ouvert avec des partenaires pour assurer une prise en charge optimum des patients en rémission de cancer : médecins, diététiciens, kinésithérapeutes etc. 

Quant à l’hypnose, je la découvre un peu plus chaque jour. J’ai le sentiment que le monde de l’hypnose est très créatif et très respectueux.

Merci de m’avoir permis d’écrire ce texte. Je vous l’envoie. Je pense qu’il va faire son chemin dans mon esprit. 

Bibliographie :

Binswanger L. Rêve et existence Paris Traduit par F. Dastur : VRIN. 2009.

Mégglé D. Douze conférences, Bruxelles  : le germe , Satas, 2011.

O’Hanlon W.H. Hypnose orientée solution, Bruxelles, satas, 1995 p.82

Osterman G. Aide mémoire de l’hypnose Paris : Dunod  2020, préface.

Rossi E. La technique des mains en miroir Bruxelles : Satas. 2021. 

Roustang F. La fin de la plainte, Paris : Odile Jacob, 2000

Servillat T. L’hypnose centrée sur les solutions », Paris : Dunod, 2021

White M.Carte des pratiques narratives, Bruxelles : Satas, 2009

Merci à Thierry Servillat

Merci à Laurence, ma chérie.