Sandra commence la peinture à 8 ans. Le dimanche après-midi, pendant que son père fait sa comptabilité dans la chocolaterie, Sandra peint. Elle fait des reproductions d’œuvres d’art accompagnée des conseils techniques de son père ayant lui-même pris des cours du soir aux Beaux-arts dans sa propre jeunesse. « En tant que chocolatier, il était très pris par son métier. C’était un moment tranquille, privilégié pour tous les deux ensemble. »
« J’ai peint jusqu’à l’adolescence sans prendre de cours. Après le BAC, l’envie de faire une formation aux Beaux-arts était bien présente mais je ne me sentais pas prête à vivre des années en galères financières avant de pouvoir gagner ma vie. Je fais le choix d’être infirmière, ayant un vrai désir d’accompagner autrui dans ses difficultés de santé, j’ai alors stoppé le dessin. »
Sandra Fourny a 21 ans. Elle développe alors activement le chant lyrique, prend ses cours sur Paris avec Yva Barthelemy, fait de la chorale classique, percussions, solfège pour aboutir au final sur une formation de 3 ans de musicothérapie en parallèle de son métier explique-t-elle. À 28 ans, Sandra Fourny avec son diplôme souhaite que cette nouvelle compétence lui permette de faire un trait d’union entre l’art et la santé, ses 2 sens d’intérêt. Elle mène alors de front les deux activités. Avec la musicothérapie, elle prend en charge les personnes atteintes de démence, de dépression, ou accompagne les personnes épuisées dans le monde du travail et parallèlement elle continue son métier d’infirmière.
Faire face avec l’art ou l’art de faire face ?
Quand à quarante ans, pendant une année et demie, Sandra ne parvient plus à travailler en tant qu’infirmière à cause d’une pathologie lombaire qui s’aggrave, la peinture se manifeste à nouveau. Elle est en arrêt maladie. La nouvelle personne qui partage sa vie pratique l’aquarelle, et l’invite à peindre. « Cela réveille ma créativité. Il s’opère alors une résilience avec la peinture. » Confie-t-elle. Elle se forme aux Ateliers de la Gobinière . Elle expérimente alors plusieurs techniques (aquarelle, peinture à l’huile, fusain, pastel, encre, collage, modèle vivant, grand format) et choisit au final l’huile. Elle est l’élève du peintre et poète Marc Gratas pendant 12 ans.
Marc Gratas est un maître exigeant et cela convient à Sandra. « Il n’impose rien, accompagne à bon escient, et respecte la personnalité de son élève. » Ajoute l’artiste. C’est l’époque où Sandra Fourny arrête la musique pour ne faire plus que de la peinture. Ses influences artistiques principales seront alors Nicolas De Stael, William Turner, Zao Wou –Ki, Kim en Joong, Chu Teh Chen.
Suite à une reconversion professionnelle liée à sa santé, elle passe un diplôme de direction d’établissement médico-social et est rapidement en poste après son diplôme. En tant que directrice, elle reste calme, posée, à l’écoute. Elle apprend à rentrer en relation avec les professionnels et à s’imprégner de leur culture. Sandra aime les rencontres et les autres. Elle met toute son attention vers le bien-être de ses salariés quitte, parfois, à subir la pression de ses supérieurs. L’exercice de la responsabilité n’est pas une mince affaire. La peinture est son refuge. Elle y consacre 3h chaque semaine malgré un métier exigeant et chronophage.
Aujourd’hui, la peinture est aussi un antidote à ses douleurs qu’elle a depuis l’enfance. Elle pratique le yoga, le Pilate, la natation et le longe côte. Elle a une « hygiène de vie » pour apprivoiser ce corps compliqué. « Je pense aussi à cette expérience de la vieillesse qui m’est offerte. Je souhaite bien vieillir et mène mes actions pour rester le plus longtemps en autonomie. J’ai la chance de pouvoir vieillir.» « J’espère peindre le plus longtemps possible.» Avec la peinture, « Elle vit l’instant, totalement absorbée par sa pratique, sans pensée précise, telle une méditation. ». Dans cet état, les douleurs s’apaisent, le plaisir de peindre réveille sans doute ses endorphines.
En peinture, Sandra travaille avec ses émotions. «J’essaye d’observer au maximum mes émotions et de les garder pour pouvoir les utiliser dans ma peinture». Elle a toujours été authentique avec elle-même et les autres, tant au niveau de ses relations que de ses amours ou de ses emplois. confie-t-elle. « Dès que je sens qu’une situation n’est pas juste pour moi, je prends les moyens d’en sortir.» Ses douleurs, sa sensibilité, ses émotions lui sont utiles à la création.
Dans la peinture de Sandra, il y a la liberté, l’imaginaire, l’émotion, le réel et la suggestion. Les peintures de Sandra Fourny sont des voyages intérieurs. Une méditation et l’expression d’un instant. Certaines toiles sont d’une grande sensualité. «L’abstraction est venue avec le temps, comme un désir de simplification et d’épuration. J’aime être dans la transparence, la lumière, l’apparition de ce qui peut être invisible ». Dit-elle.
Il y a sans aucun doute une dimension spirituelle, une découverte de quelque chose qui n’est pas présent au premier abord. Nous pouvons aimer ou rejeter cette aventure. « L’art est une expérience qui peut mener au changement. J’espère, profondément, que cela provoque quelque chose chez ceux qui regardent. C’est ma dimension sociale. En acceptant ce qui se passe en moi, je peux mieux comprendre l’autre avec sa différence». Pense-t-elle. Ajoutant, alors « L’art ne change pas le monde, mais il nous fait changer notre regard sur le monde. Si on parvient à changer un regard sur une œuvre, c’est le début d’un changement intérieur ». La résilience, l’acceptation de sa nature profonde, la création sont au cœur de la vie et des œuvres de Sandra Fourny. En entrant dans sa peinture, vous pouvez rentrer en résonnance avec elle, vous immerger dans son univers.
La beauté transforme le monde, pensons peut être à cet appui en ces périodes si douloureuses.